Nouvelle proposition de statut personnel civil « contraignant » au Parlement

Nouvelle proposition de statut personnel civil « contraignant » au Parlement

Une nouvelle proposition de loi sur le statut personnel civil, élaborée en coopération avec l’association Kafa (qui œuvre pour la protection des femmes et la lutte contre la violence), a été présentée hier, au cours d’une conférence de presse au Parlement, par un groupe de députés. Parmi les parlementaires qui ont signé cette proposition figurent le député Kataëb Samy Gemayel, Michel Douaihy, qui a quitté le groupe des députés issus de la contestation en octobre, le député des Forces libanaises Georges Okaïs, le député Farid Boustany, proche du Courant patriotique libre, le député du Parti socialiste progressiste Bilal Abdallah, ainsi que les députés de la contestation Paula Yacoubian, Firas Hamdane, Élias Jaradé et Mark Daou. 

Pourquoi une nouvelle proposition alors que tant d’autres projets dorment dans les tiroirs du Parlement depuis des années ? Paula Yacoubian apporte d’emblée la réponse pendant la conférence de presse : il s’agit d’une loi qui sera « contraignante » et s’appliquera obligatoirement à toute la population, à l’opposé des autres propositions qui étaient « facultatives ». « Il est temps aujourd’hui, plus qu’à n’importe quel autre moment, d’avoir une même loi pour tous les Libanais. » Elle ajoute : « Après concertation avec Kafa et d’autres organisations, nous avons débattu d’une proposition de loi facultative et avons opté pour une loi contraignante. Nous sommes bien conscients des difficultés que nous allons rencontrer, et du risque qu’un tel texte entre dans le bazar du Parlement. » 

Au Liban, les lois relatives au statut personnel sont multiples et relèvent des communautés religieuses, ce qui crée des différences entre un citoyen et l’autre. Le mariage civil reste interdit dans le pays, ce qui pousse nombre de Libanais à voyager pour se marier, sachant qu’en cas de litige, c’est la loi du pays où ils se sont mariés qui est appliquée par les tribunaux libanais. Pour tout le reste – garde des enfants, héritage… –, ce sont les lois communautaires qui restent en vigueur, ce qui défavorise les femmes de manière générale. 

Une loi « facultative » ne résout rien, selon Kafa
Toutes les tentatives pour imposer une loi de statut personnel civil – certaines remontant à des décennies – se sont jusque-là soldées par un échec. Alors pourquoi une nouvelle proposition de loi, et contraignante qui plus est ? « Le fait que des lois facultatives aient suscité une telle vague de refus (de la part des communautés notamment et de certains groupes politiques) est justement une cause suffisante pour aller droit au but et revendiquer la loi qui résoudrait réellement tous les problèmes, affirme à L’Orient-Le Jour Leila Awada, responsable de l’unité de violence domestique au sein de Kafa. Les textes qui proposaient une formule facultative étaient destinés à amadouer les réfractaires dans les communautés, mais cela n’a jamais été le cas. Il est temps que nous ouvrions un vrai débat au Parlement. »

Car pour Leila Awada, une loi facultative (en d’autres termes qui donne le choix de contracter un mariage civil et recourir aux tribunaux civils ou pas) ne résout rien des problèmes de fond. « Le véritable objectif d’une législation de statut personnel civil est d’éliminer les discriminations entre Libanais, pas d’en créer de nouvelles en donnant naissance à une dix-neuvième communauté dans le pays, explique-t-elle. Peut-être qu’une loi facultative ferait l’affaire des personnes qui aujourd’hui sont obligées de s’expatrier pour se marier civilement, mais elle laisse beaucoup de problèmes en suspens, comme tout ce qui est relatif à la famille, à la garde des enfants, à l’héritage… Nous voulons un système qui concrétise l’égalité non seulement entre les hommes et les femmes, mais entre les femmes elles-mêmes, à quelque communauté qu’elles appartiennent. » 

Le caractère contraignant et général de cette proposition de loi n’est pas sa seule caractéristique par rapport aux propositions antérieures. Selon Leila Awada, le texte est global et traite de tous les aspects du statut personnel civil. « Nous insistons sur la parité au niveau des formalités d’enregistrement au statut personnel entre hommes et femmes, poursuit-elle. Aujourd’hui, une femme dépend de son père en temps de célibat, puis de son mari. Et en cas de divorce, elle revient au nom de son père. Nous réclamons qu’elle ait dorénavant une identité administrative autonome. Le mariage implique des droits et des devoirs communs, une autorité parentale partagée, et que les deux parents soient des tuteurs légaux. » 

Que ces propositions puissent provoquer une levée de boucliers dans une société fortement communautarisée et machiste n’effraie pas outre mesure l’avocate militante. « Il est temps de faire les bonnes revendications, affirme-t-elle. Nous sommes conscients que nous ne pourrons tout obtenir en même temps, mais il faut fixer le bon objectif. Avec l’entrée de cette proposition de loi au Parlement, c’est le vrai débat qui va être instauré dans l’hémicycle. » 

Plusieurs groupes parlementaires

Actuellement, de par les signataires, il semble que les groupes parlementaires des FL, du CPL, du PSP et de la contestation endossent le projet. Selon Leila Awada, d’autres aussi, notamment des indépendants, apportent leur soutien à la proposition de loi. Mais le combat n’en est qu’à ses débuts et les réfractaires ne sont jamais bien loin. 

« Nous espérons parvenir à un résultat au Parlement », a déclaré le député Samy Gemayel, chef des Kataëb, pendant la conférence de presse à la Chambre. « Le texte n’empêche personne d’effectuer un mariage religieux et de vivre sa foi, mais il offre des garanties aux Libanais, quelle que soit leur appartenance confessionnelle. » 

Paula Yacoubian a souligné que la loi proposée mènera « à la fusion nationale ». Georges Okaïs a fait savoir que « la proposition de loi sur le statut personnel unifié n’a rien à voir avec la politique ou la religion », mettant en garde « contre sa diabolisation » et appelant à sa mise en place au plus tôt.

« La proposition de loi favorise l’égalité au sein de la famille, élimine le pluralisme sectaire, promeut la citoyenneté et remplace l’autorité paternelle par l’autorité parentale », a affirmé pour sa part Michel Douaihy. « La garde est partagée entre la mère et le père, et l’esprit de cette loi est toujours dans l’intérêt de l’enfant », a-t-il ajouté.

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